Les membres du Conseil central de l’Union tunisienne de l’agriculture et de la pêche présents ont fait porter à son actuel président, Abdelmajid Ezzar, absent de cette réunion, la responsabilité des tensions actuelles au sein de l’Union.
A l’Union tunisienne de l’agriculture et de la pêche (Utap), c’est le chaos. Alors que son président, Abdelmajid Ezzar, fait l’objet de poursuites judiciaires depuis plusieurs mois dans le cadre d’une affaire de corruption, au cœur de ses structures une guerre de légitimité affaiblit cette organisation nationale chargée pourtant d’un secteur hautement stratégique.
En effet, ces dernières semaines, une tension sans précédent s’est emparée de l’Utap. Et pour cause, des appels à démettre son président sur fond de cette affaire de justice, alors que ce dernier refuse, jusqu’à présent, de jeter l’éponge. D’ailleurs, c’est sur fond de ce conflit que la 9e édition du Conseil central de l’Utap, qui devait se tenir jeudi dernier au siège de l’organisation agricole à Tunis, a été reportée au 18 mai, pour absence de quorum, selon un communiqué signé par les deux vice-présidents de l’Utap.
Les membres du Conseil central de l’Union tunisienne de l’agriculture et de la pêche présents ont fait porter à son actuel président, Abdelmajid Ezzar, la responsabilité des tensions actuelles au sein de l’Union. Cette position qui fait suite à la décision d’Ezzar de changer le lieu de la tenue du Conseil central de Tunis à Kairouan, en infraction aux articles 27 et 29 du statut de l’Utap, souligne que «la réunion tenue à Kairouan n’engage en rien les structures de l’organisation agricole», dénonce «les prises de décision unilatérales, la mauvaise gestion et la politique de fuite en avant du président de l’Union agricole et évoque «la nécessité de rectifier la trajectoire».
Toujours selon la même source, «plusieurs membres du Conseil central ont été empêchés d’accéder au lieu de la réunion par un groupe d’agriculteurs qui protestaient devant le siège de l’organisation, ce qui a fait que le quorum requis n’a pas été atteint. De ce fait, le Conseil central a été reporté au 18 mai 2022, au siège de l’Union régionale de l’agriculture et de la pêche de Sfax, conformément aux dispositions du Statut de l’Utap».
Hatem Mensi, membre du bureau exécutif de l’Utap, a souligné que «face à la détérioration de la situation au sein de l’Union et au blocage du dialogue entre son président, d’une part, et le président de la République et le gouvernement d’autre part, nous nous trouvons dans l’obligation d’assumer nos responsabilités envers nos affiliés, surtout que toutes les filières rencontrent des difficultés structurelles et conjoncturelles énormes».
Et de conclure: «La cacophonie actuelle ne peut durer. Ezzar n’est pas en mesure de continuer à assumer ses responsabilités et le Conseil central prévu à Sfax doit prendre des résolutions décisives, quitte à le démettre».
Cependant, le vice-président de l’Utap chargé de la planification stratégique, Khaled Arrak, a indiqué dans une déclaration à l’agence TAP que le Conseil central de l’Union agricole s’est tenue jeudi à Kairouan, en présence de 85 membres de l’organisation agricole. Il a affirmé que le quorum a bien été atteint (50+1).
Et d’ajouter que «la 9e session du Conseil central s’est tenue conformément aux dispositions du statut de l’Union agricole et sur invitation du président de l’Utap, Abdelmajid Ezzar». «Le programme des travaux du conseil a été fixé par le bureau exécutif élargi et axé sur le suivi de la situation générale dans le pays et de la réalité des filières de production agricole».
Le responsable de l’Utap a souligné que «tout autre déclaration au sujet du Conseil central de l’Utap serait fallacieuse et n’a aucun rapport avec la loi et la réalité».
Ezzar réagit !
Abdelmajid Ezzar a rejeté toutes les accusations de corruption et de malfaisance, affirmant que l’affaire intentée à son encontre est infondée. Il écarte également toute intention de vouloir porter atteinte à l’unité de l’organisation nationale. Et de préciser que la décision de délocaliser cette réunion à Kairouan était motivée par des raisons objectives.
Cependant, le président de l’Utap a fait part de son «étonnement face au comportement du Président de la République, Kaïs Saïed à son égard».
«Le fait de l’exclure du dialogue national constitue une atteinte à l’indépendance de l’organisation. Il est nécessaire de garantir l’indépendance et la neutralité de l’Utap», a-t-il insisté. Selon ses dires, l’Utap n’a toujours pas reçu d’invitation pour participer au dialogue national annoncée par le Président de la République. Sauf que ce dernier a reçu il y a quelques jours le vice-président de l’Utap, Noureddine Ben Ayed, à Carthage. Evoquant le dialogue national, le Président a insisté que «ne participera de l’Utap que celui qui a vraiment à cœur de résoudre les problèmes de ce secteur prioritaire pour les Tunisiens d’après la consultation nationale», dans des déclarations interprétées comme une exclusion d’Abdelmajid Ezzar. Visiblement, entre Kaïs Saïed et Abdelmajid Ezzar, le courant ne passe pas depuis plusieurs mois. Et pour cause, les soupçons de corruption qui pèsent sur ce dernier. En effet, Abdelmajid Ezzar fait, depuis février dernier, l’objet d’une enquête judiciaire ordonnée par la ministre de la Justice Leila Jaffal. Le responsable en question est poursuivi pour soupçons de corruption, de spéculation et de manipulation des prix.
Une organisation politisée ?
Au fait, la grogne était toujours d’actualité au sein de cette organisation. Certains syndicalistes évoquent même une mainmise exercée par le parti Ennahdha sur l’Utap.
Le responsable de l’Union régionale de l’agriculture et de la pêche de La Manouba, Fakhri Torjman, confirme ce constat. Pour lui, l’Utap est devenue une organisation politisée. Il accuse dans ce sens le mouvement Ennahdha d’être à l’origine d’une crise au sein de l’organisation. Selon lui, le parti de Rached Ghannouchi avait fourni des bus et des fonds pour protester contre le régime, et vise à porter atteinte à son indépendance.
Pour lui, il est nécessaire de dissoudre le bureau exécutif et de former un comité directeur provisoire jusqu’à l’organisation du congrès syndical anticipé.